Le journal d'un fou














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Création 97 
d'après Nicolas Gogol,

 

 
L' HISTOIRE
Interné dans une chambre d'isolement, Auxence entame un monologue de 70 minutes. A couper le souffle !
Un délire sans fin où mots et maux s'enchevêtrent et culbutent sur les aléas d'un garçon de bureau tatillon dans une administration.
Vous entrerez... par hasard certainement, par curiosité peut-être ou avec une quelconque intention...
Vous entrerez dans la chambre d'Auxence Ivanovich Propichtchine.
Hasard, Intention ? En fin de compte, peu importe ! Une présence inhabituelle... Un silence (pesant)...
Un interlocuteur ? Enfin ! Auxence se risque, il ose, il se lance, il parle... Il vous raconte son histoire, à vous...
oui vous...précisément vous qui, par inadvertance, par imprudence ou quelque soit la raison de votre présence, serez là, en cet instant, écouterez ces propos qui irriteront votre logique cartésienne.
Mais vous êtes entrés... et parce que tels les hasards de l'existence,"la faute à pas de chance"... l'écoutez.
Une condition néanmoins, un préalable à toute forme de discussion : ne l'interrompez ! En cette chambre, en cette autre logique, vous aurez par intrusion pénétré... une seule issue pour vous : jusqu'à la fin rester...

" Pas d'histoires de fous, mais l'histoire d'un fou petit à petit dépossédé de cette raison banale des gens normaux, passeport indispensable d'une vie en société. Sans passeport, c'est la déportation, la réclusion transcendée par le délire pour nier l'essentiel ; une intense souffrance"

Adaptation : Jean-Pierre Yvars et Olivier Quentin
Mise en scène : Jean-Pierre Yvars
Dans le rôle d’Auxence : Olivier Quentin
Régie lumière : David Marze
Traduction : Sylvie Luneau
Affiches, tracts : Marie-Pierre Bufflier
Administration : Colette Griebling et Virginie Marcel

 

création présentée à Montfavet lors du Festival d'Avignon 96 , 98 & 99

ILS ONT DIT....

Fatigué par une nuit trop courte, je redoutais quelque peu cette représentation matinale et avoue qu'à l'entrée dans la salle, j'enviais le comédien dormant sur le transat. Ce sentiment s'est dissipé dès les premiers mots. J'ai découvert la folie du personnage petit à petit. D'abord, il s'est mis à comprendre le langage des chiens ou plutôt à les entendre parler dans une langue articulée. Il répétait sans cesse : "je ne comprends pas, je ne comprends pas pourquoi !" Il criait à l'injustice sociale, dénonçait les privilèges. Je le sentais s'isoler, s'éloigner du monde et des autres, ses collègues fonctionnaires se riant de lui. Puis, il s'est pris pour le roi d'Espagne et a sombré complètement dans la détresse. J'ai beaucoup aimé la manière avec laquelle il a signifié son internement. En effet, le personnage s'est écrié : "L'Espagne est un drôle de pays, les gens ont tous le crâne rasé." J'ai trouvé que le glissement progressif de ce petit fonctionnaire ministériel vers la folie était magnifiquement exprimé. De plus, l'aspect mystérieux du comédien a apporté une dimension supplémentaire à l'intensité de la pièce.
Gilles MOULENE
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Avec "le journal d'un fou", c'est à mon imagination qu'Olivier Quentin fait appel ; qui est cet homme à l'apparente nonchalance que je découvre dans la pénombre, un fantaisiste, un malsain personnage, en tout cas si peu "fou" ? Je suis accablé de toutes les pulsions qu'il libère (il ose !) mais aussi amusé par ses dialogues avec lui-même, par tous les petits évènements qui jalonnent sa vie, qui me semblent à moi si futiles, ou même si absurdes pour mon esprit si cartésien, en tout cas qui me dérangent. Tout ce qui le touche, c'est d'abord si loin de mes préoccupations (après tout, je ne suis pas fou, moi !), mais il est si sincère avec lui-même, il me happe dans son monde d'intégrité. L'élément clé pour moi qui se dégage de cette pièce, c'est l'intégrité qui s'en dégage et qui me fait agréablement oublier la frontière entre le "pathologique" et le "normal". Quelque soit ma folie, je ressors "normal", puisque tout peut se dire, se faire; après tout JE SUIS, je ne suis pas fou !
Benjamin STAHL
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Dans ce spectacle, c'est surtout le texte qui m'a touchée. Un texte tragique, puissant, qui, à la différence d'autres spectateurs dans la salle, ne m'a donné envie de rire à aucun moment. Mais j'ai aussi été charmée par la mise en scène : il y avait vraiment des trouvailles. D'abord, la musique. A plusieurs reprises, je me suis dit qu'elle convenait particulièrement bien. L'atmosphère est oppressante, et la musique y participe : le contraste entre sa légèreté et le drame qui se joue est saisissant. Ensuite, la cigarette. Le fou fume, et au fur et à mesure, sa personnalité part en fumée. Là encore, cette sorte d'usure progressive, de déclin inéluctable sert excellemment le texte. De même, j'ai apprécié le jeu de miroirs, ou celui des montées et descentes avec les escabeaux, soulignant le désordre grandissant des propos du "fou", jusqu'à leur totale inadéquation au réel. Cet homme qui sombre et qui erre dans un espace de plus en plus fermé m'a fait froid dans le dos. Par contre, la fin, lorsque le "fou" se recouvre la tête d'un drap blanc, m'a paru plus "classique", un peu redondante, un peu cliché, et j'ai moins aimé. Le jeu de l'acteur, même s'il m'a paru de qualité, m'a semblé moins percutant que le texte et la mise en scène. Il ne m'a pas "prise aux tripes". Un spectacle qui m'a donné envie de lire Gogol.
France DE MONTBEL
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Dans la pénombre, voilà le "fou", tranquillement posé sur une chaise longue, entouré simplement d'un paravent, une table et quelques accessoires. Il commence à parler, il dit son journal comme on pense tout haut. Peu à peu se dessine le personnage, médiocre fonctionnaire qui se vante de nobles origines et dont la seule gloire est de tailler des plumes au Ministère. Il s'en vante et, même, il justifie sa terne existence en se disant être le meilleur des gratte-papiers. Il se hausse du col en dénigrant les valets et tire de la gloriole à frôler l'ombre des nantis. J'hésite entre le plaindre et le mépriser, je ris souvent, et puis voilà qu'il parle d'amour, tel un ver de terre amoureux d'une étoile, et puis voilà qu'il dit que le monde entier se ligue pour le faire souffrir. Il ne paraît pas dément, seulement piégé dans le réseau de ses préjugés et de ses vagues ambitions déçues. C'est un raté et il pourrait en rester là, mais ça ne lui suffit pas: quand il commence à entendre des conversations entre chiens de gens riches, il se dit qu'il a trouvé le moyen de sortir de sa condition, et moi je comprends soudain qu'il vient de basculer dans la folie. Je ne connaissais pas le texte sur lequel a été construit le spectacle. Je redoutais un peu un solo entre hystérie et camisole mais j'ai n'ai eu qu'à me laisser porter. L'adaptation du texte par Yvars et le jeu d'Olivier Quentin m'ont donné l'impression que le texte fut écrit pour la scène. J'ai aimé comme le comédien a su mesurer sa voix et ses gestes pour donner un calme apparent au monologue qui allait en escalade vers le délire. Par sa façon d'occuper la scène, en s'appuyant sur les éclairages et sur les accessoires, il a campé le personnage et m'a vraiment fait voir cet anti-Don Quichotte qui a sombré dans la folie des grandeurs pour n'avoir pas su admettre la petitesse de sa vie.
Sam YAZMADJIAN
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Le coeur dans la pénombre, un homme que l'on dit "fou" me fait entrer dans son univers en racontant son journal. Je l'ai suivi tant bien que mal dans son délire cohérent, incohérent. Petit fonctionnaire au ministère, la société le rejette. Dans sa chambre meublée de rouge, il tourne en rond. Son visage n'est jamais en pleine lumière, l'attitude et la voix de l'acteur renvoient l'image juste d'un homme réfugié dans son monde. Un monde différent où la souffrance l'a poussé en retraite. Ses mots n'ont jamais trouvé d'issue, ses paroles n'ont jamais atteint personne. Replié dans sa solitude, sa logique, il délire. Qui pourrait prétendre ne pas avoir été traversé un jour par un court instant de délire ? C'est tellement bon parfois d'être déraisonnable et de courir en dehors des chemins battus. Les sentiments amoureux qu'il voue à l'inaccessible Sophie, le poursuivent, mais son rêve s'envole dans la fumée d'une cigarette. Il interroge le chien Nedji, fidèle compagnon de Sophie."raconte moi tout ce que tu sais de ta demoiselle". Alors, il imagine une conversation entre Nedji et une petite chienne, à travers un paquet de lettres qu'il aurait trouvé dans le panier du chien. Vérité blessante, tous ces mots le déchirent, d'un geste, il les éparpille autour de lui..."Fou", ce mot résonne de diverses façons : il peut être drôle, passionné, il peut démasquer la rigidité. de mes pensées, me renvoyer l'image de mes propres faiblesses, il dit tout haut ce que "le chien" pense... Après tout, j'ai bien trouvé la pub de botanic dans ma boîte aux lettres intitulé "les animaux ont la parole"... Et je vous ai déjà surpris dire à votre animal préféré "il ne lui manque que la parole"..."chut-chut-silence" lui, le malade psychique n'a plus de limite. Personne ne l'écoute, ses propos sans écho, lui reviennent, incompréhensibles. Il saute du coq à l'âne, le temps ne compte plus, et son miroir lui renvoie une image qu'il ne connaît pas. Il perd son identité, alors, pourquoi ne pas être le Roi d'Espagne puisqu'il n'y en a plus. Il y croit vraiment et s'étonne du regard des autres. Cette mégalomanie l'entraînera à l'hôpital. Dans sa tête les mots résonnent, se désaccordent, l'étourdissent et l'abandonnent dans son naufrage. Sa bouée de sauvetage émerge dans ce "maman" qu'il appelle désespérément. C'est de cet amour là qu'il souffre, l'a-t-il connu ? Sûrement perdu ! Difficile de se construire sans cet amour."Il n'y a pas de place au monde pour lui". Cette phrase qu'il adresse à sa mère n'est-elle pas le reflet de notre société ? J'ai aimé ce personnage de Gogol car, comme le dit Chesterton "un fou c'est quelqu'un qui a tout perdu, sauf la raison"...
Anne LOUISON
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Comme d'habitude à l'Iris, il fait un peu frisquet, on s'installe doucement. La scène obscure laisse deviner un fauteuil dans lequel dort un homme. La fauteuil est à droite. A gauche, dans l'ombre, un paravent. Tout est bien en ordre. Quant au reste, on ne voit pas encore bien. Cette distance, cette sensation de trouble durera pour moi tout le spectacle. Quel beau texte ! Et quelle performance d'acteur ! Mais plus j'essaie de comprendre, de suivre le personnage dans les méandres de ses pensées, plus il m'échappe. Je vois bien que la scène se passe en Russie, le mobilier, la couleur rouge surtout, le montrent bien. Mais où exactement ? Quand ? Je vois vite que ce petit employé du Ministère (quel ministère ?) est travaillé par de multiples obsessions. Mais quand franchit-il la limite de la folie ? Au début, il m'a rappelé le contrebassiste de Suskind, mais très vite, ce qui n'est au départ que ridicule, simple ironie, s'amplifie, et la scène devient prison intérieure. Les repères temporels donnée par le journal créent une sorte de refrain aujourd'hui 3 octobre, aujourd'hui 6 octobre... Mais peu à peu le refrain se détraque, tout sonne faux. L'intérieur douillet aux couleurs chaudes devient lieu d'un cauchemar. Le rouge semble malsain, et les objets que j'avais à peine remarqués au départ, les tabourets, prennent une importance démesurée. Ils deviennent des moyens de locomotion, permettent de se déplacer, même de manière absurde, au lieu de s'asseoir. De même le paravent ne structure pas l'espace de manière rassurante, il effectue une séparation pervertie entre le personnage et le public, entre le personnage et lui-même, et paradoxalement concourt à la déstructuration de l'ensemble. Des détails s'exagèrent, à l'instar des obsessions du personnage, qui du coup devient grotesque. J'ai ri, un peu jaune certes, de ces absurdités, de ce délire greffé sur le plus quotidien, le plus dérisoire. Le texte de Gogol est magique : il gonfle les détails insignifiants sans leur donner de signification pour autant. Cette sorte de boursouflure absurde, irrationnelle qui vient heurter la familiarité du propos, m'a laissée perplexe du début à la fin, sans toutefois m'émouvoir vraiment. Le fait que tout cela soit l'objet d'une représentation théâtrale, avec de multiples clins d'oeil de la mise en scène (le jeu de miroir par exemple), renforce le trouble, mais pas la catharsis. Où est le vrai ? Où est l'imitation ? Que voit-on finalement ? Mais les dernières phrases, prononcées après une fausse fin où tout semblait consommé, m'ont vraiment émue. Cette descente inhumaine vers la folie s'achève sur un cri humain, terrible de simplicité et de désespoir, et aussi, d'une vaine lucidité avant de repartir dans un délire qui m'a troublée sans me toucher vraiment. Jeu d'acteur, jeu du vrai et du faux, de la confidence et de l'étrangeté, de la précision et de l'irrationnel...
Pascale DELOCHE

 

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Dernière modification : 21 janvier 2002